Imotski, la ville croate qui a fait de Mercedes une religion

Sculpture d’une Mercedes grandeur nature dans la ville croate d’Imotski. AFP – Filip Babic

Les derniers coups de burin résonnent à Imotski. Il ne reste que quelques jours avant l’inauguration du nouveau monument de la ville croate: une Mercedes grandeur nature, hommage aux milliers de travailleurs partis chercher une vie meilleure ailleurs, et revenus au volant d’une Mercedes.

« C’était un signe de réussite, celui qui en avait une pouvait trouver une petite amie, s’asseoir au premier rang à l’église… » se souvient Ivan Topic, à l’origine du projet.

« Et ça reste la meilleure des voitures », ajoute l’homme de 59 ans, en aidant les ouvriers à mettre la touche finale à la sculpture, une Mercedes, à l’échelle, qui semble jaillir de blocs de pierre.

Le sculpteur, Mislav Rebic, a choisi un modèle mythique: la W115, la « Minika » comme on l’appelait ici, fabriquée dans les années 1960 et 1970.

« Cette voiture était très en avance sur son temps et elle est moderne encore aujourd’hui », jure Ivan Topic.

La dévotion pour Mercedes se voit au premier coup d’œil à Imotski, 9.000 habitants, 16.000 véhicules enregistrés, dont la moitié portent le célèbre médaillon à étoile. Soit la plus forte densité de Mercedes par habitant au monde, se vantent les locaux.

Deux cent trente personnes sont inscrites à l’Imotski Mercedes Club – dirigé par M. Topic, qui conduit un modèle de 1929.

Héritage

Depuis le début du 20e siècle, cette zone rurale et pauvre proche de la frontière avec la Bosnie a vu partir des milliers d’habitants.

A partir des années 1960, elle fournit le gros des contingents yougoslaves de Gastarbeiter, ces émigrés, « travailleurs invités » dans les usines d’Allemagne de l’Ouest avant d’en revenir idéalement au volant d’une Mercedes.

Dans les années 1970, près de 20% de la population d’Imotski travaillait à l’étranger, dont 9.000 en Allemagne.

« Ils sont partis en espérant pouvoir s’acheter une vache et un vélo. Mais, dans les années 1970, la route est arrivée jusqu’ici », se rappelle M. Topic. Lui-même a passé 18 ans à Francfort, avant de revenir en 1997.

Alors, puisque la route était achevée, les Gastarbeiter « ont acheté une Mercedes, sont rentrés avec, et l’ont laissée ici, en héritage ».

« C’est pour les remercier que nous voulions construire un monument, et qu’ériger d’autre qu’une Mercedes? » ajoute M. Topic.

« Quiconque conduit une Mercedes gagne un statut… Les Mercedes, c’est quelque chose que nous avons acheté et laissé à nos enfants. Et ils les laisseront aux leurs. »

Regardé du coin de l’œil au début des travaux l’an dernier, M. Topic a vu l’intérêt pour son projet grandir au fil des mois.

Portée par le bouche-à-oreille, l’initiative a traversé les frontières, au point que de jeunes sculpteurs de Croatie, du Danemark et de Slovénie sont venus donner un coup de main.

Pour Nediljko Djuka, un temps expatrié en Australie, « Mercedes c’est le symbole de la sécurité ».

Stipan Busic, qui travaille sur la sculpture, abonde:

« Ici, une Mercedes, ça veut tout dire. Quand on en achète une, on peut enfin se dire, +Ca y est. J’ai réussi+. » Lui-même en possède… trois.

(Source : AFP)

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