
Après 161 ans de conservation naturelle, le cœur de Pauline Jaricot est demeuré en bon état. À l’occasion de la rénovation du reliquaire de la religieuse lyonnaise pour sa béatification le 22 mai 2022, le Diocèse de Lyon en a confié le cœur momifié à une équipe de chercheurs de l’université Paris-Saclay menée par Philippe Chartier, médecin légiste et paléopathologue.
Si le cœur de Pauline Jaricot intéresse aujourd’hui à la fois l’Église et la science, c’est pour sa remarquable conservation, permettant une expertise précise sur la cause de son décès. Le 3 février 2023, l’équipe de recherche pluridisciplinaire publie ses résultats en accès libre dans la revue scientifique l’International Journal of Molecular Sciences.
Le cœur de la religieuse a été prélevé peu de temps après son décès
Paradoxalement, Pauline Jaricot était connue pour sa santé fragile. Victime d’un anévrisme et souffrant de palpitations douloureuses, elle rend visite au Pape Grégoire XVI en 1835 à Rome pour soulager sa souffrance.
Elle en serait ressortie guérie deux semaines plus tard, selon différents textes rédigés durant sa vie. En 1862, l’année de son décès, elle tombe particulièrement malade. Livide selon les écrits ayant suivi sa mort, elle crache du sang et souffre d’une importante lésion mammaire.
À sa mort, son cœur est immédiatement extrait de son corps par un chirurgien, puis scellé dans un reliquaire en argent. En 2021, l’organe est retrouvé en excellent état de conservation après ouverture du reliquaire par Stéphane Crevat, spécialisé dans la restauration d’objets historiques. Comment expliquer cette étonnante préservation ?
Pour le découvrir, l’archevêque de Lyon a accepté de confier la précieuse relique à la science.
L’équipe de recherche du médecin légiste Philippe Charlier, coauteur de la publication, a mis au point un protocole d’analyse innovant spécialement pour l’occasion.
L’objectif est double : constater l’état et les conditions de conservation du cœur, et trouver une potentielle cause cardiaque qui pourrait expliquer le décès de la pieuse lyonnaise.
Faire parler les reliques sans les dégrader
Un examen macroscopique poussé de l’organe, à l’aide de l’imagerie médicale, a permis dans un premier temps de valider sa nature humaine. Ce n’est en effet pas toujours le cas des reliques retrouvées, où des tissus d’animaux peuvent « jouer le rôle » d’attributs humains.
Ensuite, il a fallu remonter aussi loin que possible dans le passé du cœur de Pauline Jaricot, tout en respectant la condition de l’Eglise de ne pas altérer l’organe.
Dans ce cadre Virginie Bourdin et Philippe Charlier ont eu recours à des techniques moléculaires modernes, telles que la micro-tomographie et le « paléoprototypage ».
Ainsi, la micro-tomographie aux rayons X rend possible la reconstitution 3D des échantillons examinés. Le Professeur Charlier, coutumier des « saintes autopsies », avait démontré en 2014,que le cœur d’Anne-Madeleine Remuzat n’avait pas été naturellement conservé mais bien recouvert de miel, ouvert, et remplis de plantes destinées à le préserver.
Rien de tel ici : l’analyse du cœur de Pauline Jaricot ne montre aucune trace d’embaumement ou autre technique de conservation.
La dernière étape de l’analyse est celle du prototypage par spectrométrie de masse en tandem. Appliquée à des restes humains anciens, c’est elle que Virginie Bourdin qualifie de « paléoprototypage ».
« Elle s’est récemment révélé être une méthode rapide pour obtenir le large répertoire taxonomique d’un échantillon donné sans aucune information a priori », écrit l’équipe dans International Journal of Molecular Sciences.
Autrement dit, elle permet de comparer l’ADN d’un échantillon avec ceux d’une base de données, ce qui permet de déterminer la nature de la source étudiée.
Comme échantillonner la sainte relique n’étant pas une option, l’analyse s’est portée essentiellement sur des fragments récoltés au fond du cardiotaphe, c’est-à-dire le reliquaire.
Si des cultures fongiques et bactériennes ont pu être trouvées, les chercheurs affirment qu’elles font suite à des conditions environnementales particulièrement favorables à leur développement au sein du cardiotaphe (humidité, pH, nutriments) et ne constituent donc pas une cause de décès probable.
Les mystères de la « miraculeuse » conservation du cœur de Pauline Jaricot, et de la cause de son décès n’ont pu être élucidés par cette analyse.
Mais son analyse participe aux développements de techniques d’imagerie liées au paléoprototypage, qui promettent de nouvelles découvertes à partir des reliques du passé.
(Source : Futura)
Merci pour cette histoire insolite.
Cat