Le mot dessiné, vivifié par le pinceau japonais permet en un seul mouvement de figer et d’immortaliser l’harmonie de l’homme et de la nature. Surprenant comme un délicat vertige de l’âme, celui de sentir l’unité du souffle qui nous anime et nous parcourt.
Une promesse et une prouesse : celle de réunir le tout dans un trait créé d’un seul geste, juste, sobre, élégant et généreux de beauté. C’est une connexion parfaite de l’intention et de l’attention.
La calligraphie nous raconte l’intérieur et l’extérieur de nous-mêmes quand ils s’harmonisent, se mélangent, se jouent du sens et de nos sens. La calligraphie est magique. En donnant vie au mot, elle suscite en nous un appel ou plus vraisemblablement un rappel de ce que nous sommes vraiment : des créations et des transitions de la nature.
L’âme des mots vit dans et de la mythologie japonaise, le shinto. Bien antérieur à l’introduction du bouddhisme au pays du Soleil-Levant, le shinto est une célébration de toute la nature, l’expression de la mythologie nipponne qui a fondé l’identité japonaise. Le shinto est le livre ouvert et sacré qui assure la prospérité du pays et de sa gouvernance, car les empereurs sont considérés comme des divinités et non pas des dieux comme dans la mythologie grecque.
La clef de l’âme et de l’esprit des mots (presque synonymes) est primordiale pour comprendre simultanément l’essence du Japon et de la calligraphie. Chaque mot a sa force spirituelle. C’est par l’intermédiaire des mots dessinés que le Japon a forgé son identité. On dit qu’il est le pays rempli de la joie de l’âme des mots, autrement dit du bonheur.
Kotodama : l’influence du mot dit et dessiné
Le mot et son trait créent une émotion, cet autre visage de l’énergie portée par la vibration. Il ne faut pas sous-estimer son influence sur nous-mêmes, sur les autres et sur la nature qui le porte.
Le mot kotodama l’illustre parfaitement en lui restituant dans toute sa plénitude tout son pouvoir spirituel et de transformation grâce à son écho. Le mot kotodama (calligraphie page de droite) se lit de haut en bas. La graphie du haut signifie « dire » et celle du bas « âme ».
Il s’agit donc bien de l’âme des mots, de leur vie, de leur rayonnement, de leur impact. Car ce que l’on dit, les mots que nous prononçons ou écrivons nous renseignent sur notre état spirituel.
Ils influencent avant tout notre comportement dans nos relations avec les autres. L’extrait du texte choisi pour contextualiser le mot kotodama (calligraphie ci-contre) est ancien. Il s’agit du recueil de poésie Manyô shu du VIIIe siècle. Que nous dit le poète Yamanoue no Okura ?
En résumé, un ambassadeur du Japon se rend en Chine et il lui souhaite un bon voyage et un bon retour. On pourrait traduire ce texte par
« du temps où régnaient les divinités (dont les empereurs), le Japon au ciel bleu vivait de l’âme des mots, une âme heureuse dans ce pays où l’on n’abuse pas des mots. Ainsi est racontée et transmise cette histoire de génération en génération. » Paix des mots, paix de l’âme, balade de l’esprit…
(Source : INREES)