La plus ancienne météorite martienne connue serait un fragment de la croûte primordiale de la Planète rouge. Des chercheurs viennent d’identifier le cratère d’où elle a été arrachée.
La Terre est bombardée en permanence par des météorites. Si une grande partie d’entre elles se vaporisent en pénétrant dans l’atmosphère, certaines parviennent au sol. Elles offrent alors une fenêtre rare sur le passé géologique du Système solaire.
La plupart de ces objets proviennent de la ceinture d’astéroïdes, entre Mars et Jupiter, voire de plus loin, mais certains viennent de notre voisinage direct, la Lune ou même Mars.
C’est le cas de Black Beauty, ou NWA 7034, la plus vieille météorite martienne, dont les fragments ont été découverts au Maroc en 2011 et en 2012.
L’analyse de sa composition révèle des éléments de l’histoire géologique de la Planète rouge. Mais ces informations restaient parcellaires tant qu’on ne connaissait pas le site précis d’où sont originaires ces roches à la surface de Mars.
Anthony Lagain, de l’université Curtin, en Australie, et ses collègues ont réussi à remonter à l’origine de Black Beauty.
Cette météorite de 320 grammes est particulièrement intéressante. Il s’agit de la seule brèche d’impact d’origine martienne connue sur Terre. Une brèche est un agglomérat de différentes sortes de roches plus anciennes que la formation de la brèche elle-même.
Ce terme vient de l’italien breccia, « pierre cassée ». Certains minéraux de Black Beauty (des zircons) ont été datés à environ 4,48 milliards d’années, ce qui en fait la plus ancienne météorite martienne retrouvée sur Terre. Cette météorite est aussi dix fois plus riche en eau que les autres échantillons martiens.
Elle pourrait témoigner de la présence d’un océan à la surface de la planète, à une époque où la vie ne faisait qu’émerger sur Terre.
Déterminer le site de provenance de cette météorite est donc d’un grand intérêt, par exemple pour programmer la zone d’atterrissage d’une future mission d’exploration qui aurait ainsi l’occasion d’étudier une croûte ancienne, témoin des premiers âges de la Planète rouge.
La composition chimique de Black Beauty suggère qu’elle aurait subi une transformation à haute température il y a 1,5 milliard d’années, liée soit à une éruption volcanique soit un impact de météorite qui l’aurait arrachée à la croûte.
Le fragment serait resté à la surface de la planète avant d’être propulsé à plus de 5 kilomètres par seconde lors d’un autre impact, il y a entre 5 et 10 millions d’années. Black Beauty aurait alors échappé au champ gravitationnel martien et entamé un long périple interplanétaire avant d’arriver sur Terre.
Pour identifier les sites martiens où est susceptible de s’être déroulé ce scénario, Anthony Lagain et ses collègues ont commencé par mettre au point un algorithme de détection automatique des cratères d’impact à partir des images de haute résolution de la surface de Mars.
Grâce au supercalculateur du centre Pawsey, à Perth, en Australie, les chercheurs ont listé près de 90 millions de cratères avec un diamètre de plus de 50 mètres en moins de 24 heures.
Ils ont ensuite sélectionné dix-neuf candidats de formation récente. Enfin, Anthony Lagain et ses collègues ont comparé les propriétés géologiques des sites retenus avec les caractéristiques de Black Beauty (âge des roches, concentrations élevées en potassium et thorium, signature magnétique spécifique…).
Seuls neuf cratères d’impact sont situés dans une région aux critères compatibles. Première constatation : aucun de ces cratères n’est associé à des traces de volcanisme il y a 1,5 milliard d’années, ce qui permet d’écarter ce scénario.
En revanche, un cratère de 10 kilomètres de diamètre se trouve sur le périmètre d’éjectas d’un cratère d’impact plus grand – 40 kilomètres de diamètre – et plus ancien – 1,5 milliard d’années –, le cratère Khujirt.
Ce petit cratère, situé à quelques dizaines de kilomètres du cratère Khujirt, a été nommé Karratha, en référence à la ville du même nom située en Australie-Occidentale, près de laquelle se trouvent les roches terrestres les plus anciennes connues. C’est un bon candidat pour le site d’origine de la météorite Black Beauty.
Ces deux cratères se situent dans l’hémisphère Sud de la planète, à proximité du dôme de Tharsis, et dans la région de Terra Cimmeria-Sirenum. Cette dernière occupe 10 % de la surface de Mars et présente des caractéristiques proches d’une croûte continentale.
Black Beauty serait donc un fragment de cette croûte primordiale qui s’est différenciée peu de temps après la formation de la planète et qui se distingue nettement de la croûte basaltique qui recouvre le reste du globe.
C’est donc un témoin unique des processus de formation de la croûte primordiale de Mars.
Ce résultat est d’autant plus précieux que sur Terre les indices de la formation et de la différenciation de la croûte ont disparu du fait de la dynamique tectonique.
(Source : Science)
