Des feuilles propulsées par la photosynthèse (vidéo)

© Igisheva Maria/Shutterstock

Il fallait y penser… L’oxygène libéré par les feuilles au cours de la photosynthèse peut servir à les propulser, formant ainsi un « moteur végétal » miniature.

“L’idée m’est venue lors d’un voyage long-courrier entre la France et la Chine… un de ces rares moments où l’esprit peut divaguer”, raconte Alexander Kuhn, chercheur à l’Institut des sciences moléculaires (CNRS/Institut polytechnique de Bordeaux/Université de Bordeaux).

Avec son équipe, il travaille depuis plusieurs années sur des microsystèmes nageurs artificiels, propulsés par des carburants chimiques, des champs électriques, magnétiques ou acoustiques.

De tels dispositifs miniatures pourraient être utiles en nanomédecine ou pour la dépollution des eaux.

C’est en cherchant une idée « 100 % bio » qu’il a pensé à tirer parti de l’oxygène produit par les feuilles des plantes.

Au cours du processus de photosynthèse, des cellules nommées chloroplastes assimilent le dioxyde de carbone (CO2) de l’air et l’eau puisée dans le sol pour produire, en présence de lumière, les sucres dont elles ont besoin pour leur métabolisme ainsi que de l’oxygène (O2).

Certains chercheurs ont réussi à extraire ce système photosynthétique pour l’exploiter et concevoir des micronageurs artificiels.

Alexander Kuhn et son équipe viennent de montrer qu’il est possible d’utiliser directement la feuille et de détourner cette production gazeuse en faisant « buller » les feuilles de façon contrôlée, afin de propulser de petits objets à la surface de l’eau.

Certes, la feuille n’avance pas bien vite, mais elle se déplace. Et la régularité du train de bulles produit selon les conditions d’illumination et la longueur de la feuille sont bel et bien corrélées et contrôlables.

Ne vous attendez pas cependant à voir une feuille tombée à la surface de l’eau se mettre en mouvement.

« Le dégagement de gaz est trop diffus, prévient le chercheur. Grâce à une coupe au scalpel par microchirurgie sous microscope, nous focalisons le flux d’oxygène à la pointe de la feuille, sur un côté ou sur la tranche, par un trou ou par la nervure centrale. L’équipe a vérifié que ce gaz est bien de l’oxygène et que sa production peut être réglée avec précision selon l’intensité lumineuse. Puis nous avons cherché les configurations idéales de ce minimoteur en matière de taille et de géométrie de la feuille, jusqu’à une tranche de 0,5 millimètre de large », poursuit-il.

Les chercheurs ont mené leurs expériences sur des feuilles de l’arbuste Pyracantha coccinea (aussi nommé buisson ardent) que l’on trouve dans beaucoup de jardins du sud de la France. Pourquoi cette espèce ?

Outre qu’elle poussait à proximité du laboratoire, elle s’est révélée être dix fois plus efficace que les autres espèces testées, probablement en raison de sa concentration en chlorophylle et de sa densité de stomates, ces « bouches d’aération » par lesquelles entre le dioxyde de carbone.

Ces feuilles, idéalement découpées, sont placées dans de l’eau saturée en CO2 et sous une illumination de 150 watts, couvrant tout le spectre visible et ultraviolet pour assurer une production optimale d’oxygène (l’expérience est également probante avec les seules longueurs d’onde de la photosynthèse, au-dessus de 500 nanomètres).

La propulsion reste toutefois limitée : 0,5 millimètre par seconde dans le meilleur des cas, ce qui est très peu en comparaison avec certains micronageurs artificiels qui sont de véritables fusées, 1 000 fois plus rapides. À chacun son rythme…

« Quoi qu’il en soit, avec ces travaux de recherche fondamentale, nous montrons qu’un objet léger comme une mince feuille de plastique, de la même taille que la feuille verte et collée à sa surface, peut être entraîné grâce à cette petite force motrice. L’ensemble va même deux fois plus vite que la feuille seule car les bulles qui sont dégagées à l’extrémité restent coincées en dessous de la feuille de plastique. Comme elles ne peuvent pas s’échapper directement après être sorties de la veine, elles contribuent plus longtemps à exercer une force sur l’objet hybride. Sans la feuille plastique les bulles remontent tout de suite à l’interface eau/air et sont “perdues” pour la propulsion », explique Alexander Kuhn.

Que faire avec ce genre de dispositif ?

« Puisque ça marche, se félicite le chercheur, nous avons prévu de poursuivre en multipliant le nombre de feuilles pour voir si elles s’auto-organisent, en s’attirant ou en se repoussant selon les gradients de CO2 aux alentours. »

Développeront-elles, à leur rythme, les mystérieux mouvements collectifs que l’on observe, notamment, dans les nuées d’oiseaux ou les bancs de poissons ? D’autres feuilles aux morphologies plus élancées comme les aiguilles des conifères seraient-elles plus hydrodynamiques ?

Voici un nouveau champ de recherches à défricher.

(Source : Science)

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