
Pour leurs funérailles, deux personnalités de haut rang en Égypte antique ont reçu de nombreuses offrandes destinées à accompagner leur voyage dans l’au-delà.
Grâce à l’analyse des odeurs de composés encore conservés, des chercheurs ont déterminé que de la viande, du poisson et des baumes étaient offerts aux défunts.
En février 1906, Ernesto Schiaparelli, à la tête de la mission archéologique italienne du musée de Turin, découvre la sépulture de deux personnalités éminentes, Khâ et sa femme Mérit, dans la nécropole de Deir el-Medina, en Égypte.
Cette tombe est considérée comme l’une des plus grandes découvertes archéologiques de l’Égypte ancienne et les richesses qu’elle contient sont à l’image du statut de ce couple de haut rang.
En effet, responsable des travaux de la nécropole sous Amenhotep II, septième pharaon de la XVIIIe dynastie (environ 1425-1400 avant notre ère), Khâ était certainement l’une des personnalités les plus influentes du Nouvel Empire.
Plus de 3 400 ans après l’inhumation de Khâ et Mérit, 440 objets contenant notamment des offrandes destinées à nourrir leurs âmes éternelles ont été retrouvés dans la sépulture.
L’analyse des odeurs a longtemps été ignorée par les archéologues, pensant qu’elles auraient disparu des artefacts.
Cependant, à l’aide d’analyses utilisant des techniques de pointe, la reconstitution du « paysage olfactif » original d’une tombe permet d’apporter de nouvelles preuves pour compléter les connaissances des rituels pratiqués par les civilisations passées, et pour mieux imaginer l’expérience olfactive de nos ancêtres.
Jacopo La Nasa, chimiste à l’université de Pise, en Italie, et ses collègues ont analysé le contenu préservé dans les multiples artefacts retrouvés dans la sépulture de Khâ et Mérit.
Les molécules identifiées offrent une idée plus précise de la nature des offrandes, et de leurs odeurs, caractéristiques des coutumes funéraires en Égypte antique.
Parmi les artefacts retrouvés figuraient des bocaux scellés, des amphores, des pots en albâtre ou encore des tasses contenant des restes décomposés d’offrandes millénaires.
Les chercheurs les ont soigneusement emballés dans des sacs en plastique, pendant plusieurs jours, afin de collecter certaines molécules encore libérées par les dépôts anciens.
Ils ont ensuite identifié les composés organiques volatiles de chaque échantillon à l’aide d’une méthode non invasive de spectrométrie de masse par flux d’ions sélectionnés (SIFT-MS). L’équipe de Jacopo La Nasa n’a pas eu l’autorisation d’ouvrir certains bocaux scellés conservés au musée de Turin pour mener les analyses chimiques.
L’étude des molécules organiques contenues dans ces artefacts est donc plus compliquée et exposée à différents aléas.
« Cependant, la méthode SIFT-MS non destructive a un potentiel énorme pour révéler des informations sur le patrimoine olfactif de la société égyptienne antique, lorsque l’on peut accéder au contenu des récipients », précise Dora Goldsmith, chercheuse à l’Université libre de Berlin.
L’équipe a trouvé divers composés comme des aldéhydes présents dans les fruits, des résines aromatiques végétales, nécessaires à la fabrication d’encens, et certains types d’acides gras associés à des graines de plantes, telles que le lin, le sésame ou les fruits du dattier du désert.
Plusieurs amphores renfermaient aussi des résidus d’ammoniac et de méthylamine, des éléments liés aux produits de la dégradation de protéines animales. Plus précisément, les chercheurs ont isolé un composé que l’on trouve dans le poisson séché : la triméthylamine.
Cette découverte coïncide avec les connaissances sur les rituels égyptiens au cours desquels du poisson, par exemple certaines espèces du genre Tilapia, était offert aux défunts comme symbole de leur renaissance..
Dans un autre groupe d’artefacts ont été retrouvés des dérivés d’aldéhydes et d’alcools, ainsi que des composés soufrés probablement issus de la macération de céréales telles que du blé et de l’orge. En effet, le blé était une matière première à la base de l’alimentation égyptienne et souvent utilisé pour le brassage de la bière.
Mais cet ingrédient servait aussi de système monétaire et de présent dans les assemblages funéraires. Lors de funérailles, il n’était pas rare de déposer du pain, de la bière, ainsi que les récipients utilisés pour leur fabrication, à côté des défunts afin d’accompagner leur voyage dans l’au-delà.
D’autres résidus d’aldéhydes et d’hydrocarbures à longue chaîne ont été associés à de la cire d’abeille. À la base de nombreux onguents et des baumes de momification, cette substance était en effet noble dans l’Égypte antique.
Les chercheurs pensent qu’elle était parfois offerte aux défunts avec un mélange d’huile ou de graisse, ou bien utilisée comme agent de conservation d’offrandes à base de viande séchée.
(Source : Science)