Les momies voyageuses de la vallée du Sado (diaporama et vidéo)

Les chasseurs-cueilleurs mésolithiques ibériques momifiaient certains de leurs morts afin de pouvoir les transporter vers le cimetière du clan.

Quand un des leurs mourait au loin, les chasseurs-cueilleurs du Mésolithique ibérique momifiaient son corps en position accroupie afin de pouvoir le transporter vers le cimetière clanique.

Voilà la conclusion à laquelle mènent les observations de vieilles photographies d’inhumations faites par l’équipe suédo-portugaise de Rita Peyroteo Stjerna, de l’université d’Uppsala, de Liv Nilsson Stutz et de Hayley Mickleburgh, de l’université Linnaeus, en Suède.

Ces photographies furent prises au début des années 1960 par l’équipe de l’archéologue Manuel Heleno (1894-1970) lorsqu’elle fouilla les amas coquilliers de Poças de São Bento et d’Arapouco, dans la vallée du Sado, un petit fleuve du sud-ouest portugais.

Là, il y a quelque 8 000 ans, des Mésolithiques ibériques vivaient plus près qu’aujourd’hui de la mer, car celle-ci était plus haute. Ils ramassaient des paniers de coquillages dans le delta du fleuve, qu’ils transportaient ensuite jusqu’à leurs habitats.

Leur présence continue ou épisodique, pendant des dizaines d’années, voire des siècles, produisit des amas coquilliers. Ces immenses « poubelles » grandissaient lentement, de sorte que les inhumations de membres de la communauté à leurs marges finirent par se retrouver protégées par d’épaisses couches de coquilles.

C’est pourquoi, lorsque l’équipe de Manuel Heleno pratiqua des tranchées de sondage à travers l’amas coquillier de Poças de São Bento, elle tomba sur pas moins de 16 inhumations. Le matériel lithique et les ossements trouvés ont depuis été égarés.

Mais Lars Larsson, de l’université de Lund, en Suède, entreprit de nouvelles fouilles au milieu des années 1980. Il découvrit un crâne inaperçu par les fouilleurs portugais, dont la datation au radiocarbone livra un âge de 5 390 ± 110 avant le présent.

Au début de 2022, Rita Peyroteo Stjerna, Liv Nilsson Stutz et Hayley Mickleburgh ont relancé la recherche sur ce site en étudiant les positions squelettiques produites par la décomposition dans les tombes grâce aux photographies.

Ces images en noir et blanc montrent que les défunts furent inhumés en décubitus dorsal, c’est-à-dire sur le dos, en position accroupie. Fréquente au Mésolithique, cette position funéraire résulte du fait de contraindre le corps des défunts à l’aide de liens avant l’installation de la rigidité cadavérique.

La décomposition de cadavres placés dans cette position dans une tombe y répartit les os d’une façon caractéristique, mais qui varie toutefois suivant que le cadavre a été placé dans la tombe frais ou après une momification. 

Ce sont des indices d’inhumation après momification qu’a mis en évidence l’équipe suédo-portugaise dans les cas de certains défunts.

Lesquels ? Les chercheuses savaient qu’au cours de la décomposition, les os se désarticulent généralement au niveau des articulations faibles, celles des métatarses, des orteils et des phalanges notamment. À Poças de São Bento et à Arapouco, cette désarticulation n’est pas intervenue dans plusieurs cas.

Les chercheuses ont ensuite constaté un repliement des membres sur le corps, typiques de la momification d’un corps ligoté. Elles ont aussi noté qu’il y avait très peu ou pas de sédiments entre les os des défunts.

Or après l’inhumation d’un cadavre frais, la disparition des chairs crée des vides plus tard emplis par la terre, qui pèse ensuite sur les ossements. Quand les chairs sont desséchées, ce remplissage est minimal, ce qui diminue les forces exercées sur les articulations faibles, et explique leur maintien en connexion.

Ainsi, il semble que plusieurs corps furent inhumés en décubitus dorsal dans un état de grande rigidité après momification. Pour assurer leur conclusion, Hayley Mickleburgh a mené une expérience de « momification guidée » au centre d’étude de la décomposition du corps humain de l’université du Texas (Forensic Anthropology Research Facility).

Les observations ainsi faites au cours des expériences confirment que c’est bien la dessiccation des chairs qui a rendu possibles les positions squelettiques observées sur les photographies.

Il semble ainsi que plusieurs défunts ont été momifiés avant d’être transportés vers les cimetières mésolithiques de Poças de São Bento et d’Arapouco pour y être inhumés.

D’autres cas similaires du Mésolithique de la péninsule Ibérique sont déjà connus. Qu’en conclure ? Que rassembler ses morts en un même lieu – en un cimetière clanique – était important pour les chasseurs-cueilleurs mésolithiques.

Comme l’ont suggéré des études ethnographiques, leur mode de vie impliquait probablement un circuit saisonnier d’un lieu de collecte à l’autre, puis un retour vers un habitat principal. On tenait sans doute à y inhumer les siens.

S’il arrivait qu’ils décèdent « en chemin », on prenait soin d’eux en les ramenant momifiés « à la maison » !

(Source : Science)

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