Avec sa gueule d’ange, ses yeux bleus (forcément) et sa crinière blonde, François Gabart a tout du gendre idéal. Une certaine douceur se dégage du personnage, mais sur le pont d’un bateau, il affiche une détermination sans faille. Le talent insolent exprimé au long de cette circumnavigation initiatique est servi par un mental en titane.
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Un premier de la classe bon camarade
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Ce tour du monde, c’était un rêve ancré en lui depuis longtemps. Alors qu’il venait de décrocher la barre du Figaro «Espoir Bretagne» en 2008, il exprimait déjà son désir de disputer le Vendée Globe. Non pour fanfaronner, mais parce que son attirance pour cette course était irrésistible.
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«C’est un jeune homme pressé. Il est toujours dans le coup d’après. C’est sa forme d’esprit et sa force. J’ai vite compris qu’on ne pouvait pas l’arrêter. Alors, le mieux, c’était de l’aider à avancer», explique Michel Desjoyeaux, double vainqueur du Vendée, qui lui a apporté son expérience précieuse à travers la structure Mer Agitée.
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Le Professeur l’avait embarqué sur «Foncia» dans la Barcelona Race, mais un démâtage n’avait pas permis au duo de s’aventurer dans les mers du Sud.
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Au centre de Port-La-Forêt (Finistère), où le jeune Charentais est venu s’initier au large en solitaire, Christian Le Pape, qui lui a mis le pied à l’étrier en Figaro, évoque «la fraîcheur, l’enthousiasme et la rigueur» du garçon. «C’est un scientifique de formation. Il est très cartésien. Il a un côté premier de la classe soucieux d’aller au fond des choses tout en étant bon camarade. Il était pressé d’arriver, mais ce n’est pas un arriviste.»
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Ce garçon a aussi la tête sur les épaules. Après un bac obtenu avec un an d’avance, et en prime une mention «très bien», il a intégré l’Institut national des sciences appliquées à Lyon et décroché un diplôme d’ingénieur en génie mécanique.
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Une enfance bercée par la mer
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Mais la passion de la voile et le virus du large ont été plus forts. Difficile d’y échapper avec une enfance bercée par la mer. En 1989, son père, dentiste, qui lui construisait un Optimist dans le salon et sa mère, magistrat au tribunal d’Angoulême, ont pris une année sabbatique avec leur tribu sur le voilier «Pesk Avel». Cette escapade sur l’Atlantique, jusqu’aux États-Unis via les Canaries et les îles du Cap-Vert, a forcément marqué le jeune garçon qui avait alors six ans et lui a donné le goût du voyage.
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Avant de poser son sac dans la «Vallée des Fous» pour s’initier aux secrets du large en solitaire, le jeune Charentais avait déjà collectionné pas mal de trophées. C’est en voile olympique que cette nouvelle étoile du large a d’abord brillé entre trois bouées. À 14 ans, il décroche le titre de champion de France d’Optimist (1997) et, deux ans plus tard, celui de Moth Europe.
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En 2004, il est champion du monde jeune en Tornado. Il aurait pu briguer une sélection olympique, mais c’est le large en solo qui l’attire. C’est en Figaro, à armes égales, qu’il va révéler son talent. Arrivé dans cette classe en 2008, il décroche le titre de champion de France de course au large en solitaire dès sa troisième saison. Derrière, tout s’enchaîne pour ce surdoué.
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Confiance dans son équipe
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Son partenaire, Macif, décide de passer à la taille supérieure et de lui construire un 60 pieds Imoca. La route du Vendée Globe est ouverte. Ce premier tour du monde, François Gabart l’a préparé avec une rigueur scientifique. Il s’est appuyé sur l’expérience de Michel Desjoyeaux et Jean-Paul Roux de Mer Agitée, impliqués dans trois projets gagnants sur le Vendée. Il a constitué sa propre équipe assez restreinte (cinq experts) en jouant la carte jeunesse. «Il nous a fait confiance et laissé beaucoup d’autonomie dans la préparation, même s’il est impliqué dans le développement car cela le passionne. Il s’est concentré sur ses navigations et la météo. Il a énormément bossé et navigué», explique Antoine Gautier (le neveu d’Alain), responsable technique.
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Un athlète affûté
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«La problématique du Vendée, c’est la maîtrise du solitaire au large. Il n’y a pas eu de décalage entre ce qu’on a vu à l’entraînement et ce qu’il a exprimé sur le tour. L’inconnue, c’était la durée. Et là, il est vraiment bluffant», analyse Christian Le Pape. Gabart n’est pas une force de la nature, mais c’est un athlète complet très affûté. Il appartient à cette nouvelle génération de marins pilotes qui ne négligent pas la préparation physique. «Nager et surtout courir, il adore ça. Pas la peine d’essayer de le suivre», dit Antoine Gautier. «C’est le roi du fichier Excel, il est pointu en météo mais également très fort aux tests athlétiques», ajoute Christian Le Pape.
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Dans ce tour du monde, Gabart et Le Cléac’h ont imprimé un rythme de folie, se rendant coup pour coup. «Le Vendée, c’est la guerre. Il y a des moments où lui et Armel étaient au fond mais ne l’ont pas montré. Ils sont capables de vivre comme des primates et de fonctionner comme des stratèges».
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Besoin d’amour et de reconnaissance du public
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François Gabart a affiché un immense talent de marin et fait preuve d’une résistance hors norme. «Dans l’inconfort, poussé dans ses derniers retranchements, on se découvre des forces insoupçonnées. À terre, on n’utilise qu’une partie de notre potentiel», confiait-il récemment lors d’une vacation. Tout seul sur son bateau, il s’est aussi senti porté par le public. «Cela me touche de faire rêver des gens. C’est essentiel. Sans ce partage, je ne vois pas où l’on trouverait l’énergie pour faire cela», ajoute-t-il. Le Vendée, c’est une quête personnelle, mais comme tout marin solitaire, Gabart a besoin de l’amour et de la reconnaissance du public.
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Champion aussi à la maison
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Après avoir digéré la folie médiatique inhérente à une victoire dans le Vendée Globe, il savourera les retrouvailles avec sa famille. Le nouveau prodige de la voile n’est pas un solitaire pur et dur, encore moins un ermite. Ce sportif à la gueule de séducteur est papa d’un petit garçon, Hugo (bientôt un an). Pas étonnant qu’il ait été aussi pressé de rentrer.
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Un article de Gilbert Dréan, de la rédaction du Télégramme
A reblogué ceci sur INVESTIGATION OCEANOGRAPHIQUE ET OANIS.